Quand Karamoko Fofana regarde ses enfants, ces bouts de chou qu’il aime tant, il se sent davantage couflé de courage pour dompter les défis de la vie. Chauffeur de wôwôwôrô exerçant dans la commune de Yopougon, il travaille sans relâche afin d’arriver un jour à offrir un quotidien onirique à sa famille. Ce vendredi 4 novembre 2022, Fofana quitte son quartier précaire en direction de la plus grande commune d’Abidjan. Une fois à Poy, il commence son djôssi, déposant comme à l’accoutumée, ses différents passagers à leurs points de chute. Vers le soir, un passager avec lequel il a parcouru une certaine distance, lui fait savoir qu’il est arrivé à destination :
-Carrefour Jean-Paul 2. Je descends ici chauffeur !
Le client de Jean-Paul 2 tend un billet de 1000 francs à Karamoko Fofana. Le jeune chauffeur prend l’argent, mécontent et ne pouvant s’empêcher de gronder :
-Il fallait au moins me prévenir que tu avais un gros billet. Cette histoire de monnaie me fatigue ! Le transport est de 250 francs. Comment on fait maintenant ?
Le passager de Jean-Paul 2 répond au chauffeur sur un ton hautain. Les deux hommes se lancent des propos inamicaux. Karamoko Fofana est habitué à ce genre de dispute inhérente à la cause de monnaie. Il n’y a pas de jour qui passe sans qu’il ne connaisse des scènes similaires.
Toutefois, il faut trouver une solution. Sollicitant ses autres passagers, il parvient à collecter 700 francs, qu’il remet à son client colérique de Jean-Paul 2. Ce dernier lui martèle qu’il y a 50 francs qui manque à l’appel. Le chauffeur n’est pas sans l’ignorer… Mais son passager a l’air très impatient :
-Mes 50 francs ! hurle-t-il. Fais vite, chauffeur ! Je suis très pressé là !
-Mais calme-toi, djo ! riposte Karamoko Fofana. Prends tes calmants, je vais chercher la monnaie…
-C’est sur qui tu cries ? Faut faire attention, hein ! Tu sais qui je suis ? Si tu as joué avec moi je vais te montrer quelque chose tu vas voir !
Les deux hommes ont l’air de vouloir se défier. Or notre passager de Jean-Paul 2 est un gendarme en civil qui ne supporte pas qu’on égratigne son autorité. Sortant soudainement son arme à feu, il la braque sur Karamoko Fofana et lui tire plusieurs balles dans la poitrine… Le chauffeur meurt sur le coup, pour une banale histoire de monnaie 50 francs. À cause de cette absurdité, les siens ne pourront plus jamais le revoir, lui, le seul pourvoyeur d’une famille pauvre…
Louis-César BANCÉ
NB : J’ai écrit ce récit en m’inspirant d’un reportage diffusé par la NCI au cours de son journal diffusé ce samedi 5 novembre.