Lundi 30 Août, dans la soirée. Deux individus, assis en face de leur télévision, discutent sur leur nouveau plan de hold-up à mettre en exécution. Le plus gros, aux cheveux frisés et au sparadrap sur la tête, s’appelle Tampiri. Alors qu’il était en classe de CM2, il a été ébloui par le braquage de Sia Popo Prospère qu’une certaine presse a présenté à l’époque comme un génie et un héros. Comment pouvait-on spolier autant de milliards à la BCEAO, les enfouir dans une valise, et sortir de la banque sans se faire épingler ? Longtemps, Tampiri a été subjugué par l’image du braqueur exceptionnel à qui il voulait ressembler. Il se mit alors à voler les livres de ses camarades et à aller les revendre à vils prix, sans jamais que les soupçons ne se portent sur lui. Puis, en classe de 4ème, il abandonna les études, s’adonnant à des vols à la tire jusqu’à l’âge de 30 ans où il monta en grade avec les braquages des boutiques, des domiciles, des banques… Avec son complice Maudiha, un jeune homme qu’il rencontra dans un fumoir situé derrière le commissariat du 16ème arrondissement, ils gagnent tous les deux leurs pitances grâce à leurs forfaitures. Ce lundi 30 Août-là, ils discutent sans se soucier du programme de la télévision :
- «Tampiri, ça fait une vingtaine d’opérations qu’on a réussies sans que la gnanye ne mette la main sur nous. Hé, la dernière fois notre collègue Mourou n’a pas eu la chance et il a été froidement abattu par la Police. Je crois qu’après notre prochain coup, il va falloir qu’on réfléchisse à nous reconvertir à une autre activité, parce que les prochaines victimes pourraient être nous !
- Alors que Tampiri est sur le point de répondre à son alter ego, il est attiré par une séquence télévisée sur la chaîne NCI présentant un violeur en démonstration sur un mannequin. Les deux compagnons, les yeux fixés sur l’écran et bouche bée, restent silencieux pendant quelques minutes devant la désinvolture du présentateur Yves de Mbella, puis l’un de lâcher :
- «Tu vois, les violeurs passent à la télévision maintenant, érigés en vedettes. Nous on pense que ce qu’on fait là n’est pas bon alors que le monde a changé hein, paati !»
- «Je te dis ! Djo, continuons de bosser, peut-être qu’un jour on sera reçus par cette chaîne pour faire démo de notre mode opératoire de braquage en direct !»
- «Maudiha, à l’heure-là ce sont les mauvais qui sont les stars, bossons dèh, c’est Dieu qui est fort !»
Louis-César BANCÉ