On dit que je suis né vers 1938. Mais je reste persuadé que c’est bien avant cette date. Vous savez, à l’époque où il n’y avait pas de registre de naissance, les Européens, à leur arrivée sur nos terres africaines, attribuaient aux indigènes que nous étions, des années de naissance approximatives. Chez eux, en Occident, les plus jeunes donnent l’impression de faire plus que leurs âges. Ils ont parfois 15 ans et sont tellement gaillards qu’on leur donnerait 30 bougies. De vrais poulets de chair industriels ! Je suis sûr que si la colonisation se faisait aujourd’hui, les impérialistes auraient estimé l’année de naissance de Meiway à vers 2002, faisant du professeur Awôlôwô, un jeune de 20 ans alors que c’est un vieux routier !
Voici comment des erreurs de déduction ont rajeuni des jeunes vieux. Les poulets africains sont très mâtures et donnent pourtant l’air de gros poussins. Le jour de ma naissance dans mon village du Burkina Faso, mon père, agonisant, demanda la description du bébé qui venait de vagir. Lorsqu’on l’informa que c’est un garçon, tout heureux, il prophétisa ceci avant de rendre l’âme : « Paabrou ! » En langue bissa, ça signifie la cour est venue.
À l’âge de 16 ans, à la recherche d’un destin meilleur, j’ai quitté le village pour Ouagadougou, la capitale, avant de débarquer aussitôt en Basse Volta, actuelle Côte d’Ivoire, où, disait-on, les perspectives existentielles étaient plus prospères. Je n’avais pas 20 ans quand je suis arrivé en terre ivoirienne. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 90 ans, y faisant neuf enfants à qui je me suis évertué d’inculquer des valeurs éducatives. Après une vie pleine et un destin de conquérant, je me suis éteint le matin du jeudi 28 juillet, pour briller dans un autre univers. Je suis né Bancé Goudouma, et le prénom chrétien, Jean-Paul, a été ajouté à mon nom le jour de mon baptême, le 17 avril 1963, à l’église catholique Saint Michel d’Adjamé.
Pendant que je voyais ma famille et mes proches pleurer à mes obsèques, je m’enthousiasmais d’avoir retrouvé mes aïeuls, et de découvrir, soulagé, que l’Homme est une chenille aux cellules novatrices, un être immortel mais transformationnel. Voulez-vous que je vous fasse le récit de la vie sur l’autre rive ? Dans ce cas, comme on le dit sur facebook, pointez, et mon médium de fils, LCB, se chargera de retranscrire mon message.
Y a-t-il un être cher parti au ciel dont vous voudriez également le témoignage ?
Vous savez quoi, j’avais perdu beaucoup de dents au cours de mes vieux jours, certaines incicives et des canines, moi qui raffolais tant de viande. Malgré cela, je continuais d’en manger, la mastication moins ferme, non sans y prendre quand même du plaisir et du goût…
Après que j’ai quitté la terre des hommes ce jeudi 28 juillet 2022, j’ai miraculeusement retrouvé toutes mes forces de jeunesse. Toute ma vigueur ! Et bien sûr aussi, toutes mes dents.😁 Je vous assure que la mort n’est pas la fin, mais une régénérescence de l’Homme !❤
Louis-César BANCÉ