La pluie avait cessé de tomber depuis une demi-heure. On va dire qu’elle agonisait en crachin. Les populations sortaient de leurs différents abris pour vaquer peu à peu à leurs occupations. Il était environ midi quand j’arrivais à l’entrée de la gare de bus où je devais emprunter un véhicule pour me rendre au Plateau, la commune des affaires et le fief des chauves-souris. Une eau de ruissellement avait barré le passage donnant accès à la gare. Nous étions une trentaine de piétons à regarder l’obstacle, certains s’aventurant à le traverser en y plongeant le pied, d’autres trottinant aux alentours dans une hésitation.
Après la pluie, le beau temps, dit-on. Mais à Abidjan, après la pluie, nous avons des sales temps; des eaux de ruissellements et stagnantes se formant partout, déposant des immondices sur des trottoirs et à tous coins de rue. Le pire est qu’il se forme des rivières pluviales d’une rare férocité qui vont jusqu’à dénicher les gens dans leurs maisons en emportant matelas, télé, pilon, caleçons, sex toy, et même des vies humaines. Avec la pluie, si la mort ne sévit pas dans les habitats, elle peut capturer des piétons et piéger des automobilistes en les entrainant dans ses ravins. Les années s’écoulaient avec leurs lots de dégâts pluvieux sans que l’État ne mette fin à nos supplices. Faut-il accuser Gbagbo, ou Ado ? Diantre !
Alors que je m’apprêtais à poser le pied dans l’eau de ruissellement qui me séparait de la gare de bus, j’entendis une douce voix dans mon dos :
– «Coucou, César !»
Je me retournai et aperçus Christelle, mon ex, joliment habillée dans une jupe acajou et une chemise blanche éclatante. Plus d’un an que nous ne nous étions plus revus après notre séparation. Wahoo. Elle était devenue plus belle qu’avant et avait pris de la chair ! Son BIM était sorti. Moi par contre, je transpirais encore la galère. C’est justement pour cela que je me rendais au Plateau pour postuler à une offre de technicien de surface…
Christelle m’informa qu’elle se rendait aussi dans la commune des chauves-souris.
– «En bus ? lui demandai-je en ne pouvant pas concevoir que son nouveau gars ne lui ait pas acheté de voiture jusqu’à présent. »
– «Oui, en bus, César. Et qu’est-ce qui est gênant dans ça ? Toi tu vas en avion ? »
Je souris jaune, puis ele se mit à rire en disant :
– «J’ai l’impression que tu es toujours sur la défensive. Après l’amour, ce n’est pas la guerre. On peut rester de bons amis et continuer à converser au lieu de ne plus nous parler comme nous le faisons. On pourra en discuter dans le bus, comme nous prenons la même ligne. Mais avant, tu veux bien m’aider à traverser cette eau de ruissellement ? »
– «T’aider à traverser, comment ?»
– «Tu te souviens, quand on était ensemble, tu avais une manière de me prendre pour me jeter sur le lit. 😉»
– «Oh Christelle, tu fais resurgir en moi de beaux souvenirs, tu sais. ❤ Approche, et agrippe-toi à mes épaules. Tes jolis pieds ne doivent pas effleurer cette eau pleine de microbes. »
Vers la réconciliation avec Christelle ?
Mon ex m’enveloppa le cou avec ses bras et hop, je la soulevai en me dirigeant vers l’autre rive. Et alors que nous arrivions au beau milieu du ruissellement, je la jetai dans l’eau sale. Flac ! Ses longs cheveux s’y trempèrent, sa chemise prenant une autre couleur. Elle me regardait, hagarde, l’air d’une folle :
– «Mais César, qu’as-tu fait ? Tu es fou ?»
– «Mais qu’est-ce que tu m’as dit ? Tu m’as bien dit de te soulever, comme je le faisais quand nous étions ensemble, en allant te jeter sur notre lit. C’est ce que j’ai fait, en te jetant ici. Christelle, après l’amour, c’est la guerre ! Tchrr !»
Je me dirigeai vers les bus tandis que Christelle était toujours étendue dans l’eau sale sous le regard médusé de la foule.
J’ai lèpè, j’ai gor. Maudia !
Louis-César BANCÉ