En attendant d’avoir un travail décent, pour me faire des petits jetons, j’offre mes services improvisés d’éboueur, au quartier. Et ce n’est pas parce que j’ai la main dans les caniveaux que je ne devrais pas chercher femme. Tout homme, qui qu’il soit, a besoin de la chaleur féminine pour l’équilibre dans sa vie.

Sans dire à Katy ce que je faisais dans la vie de peur qu’elle me rabroue, je lui faisais la cour de façon assidue. Plusieurs fois, nous nous voyions pour discuter, échanger. C’était clair que j’avais gagné d’importants points pour conclure la drague. Après nos flirts, elle acceptait qu’on fasse une sortie amoureuse qui allait se terminer à l’hôtel. Pour cet ultime rendez-vous, il me fallait de l’argent.

Toute la semaine, je débouchai courageusement les caniveaux de sorte que le samedi, jour de la rencontre, j’avais 15.000 francs. Dans ma tête, la répartition se faisait comme suite :

• 1000 francs pour le transport vers l’alocodrôme
• 2000 francs pour la partie d’allloco
• 2000 francs pour la boisson
• 1000 francs pour le transport à l’hôtel
• 3.000 francs pour le passage à la chambre d’hôtel
• 5000 francs pour le transport de Katy et le reste des jetons pour mon gbaka…

Le samedi du rendez-vous, alors que nous nous introduisions dans l’alocodrôme, Katy me tira la chemise en me suggérant le Fast food en face :

• Bébé, pas envie d’aloco, je veux manger chawarma ou pizza !

Elle se montra tellement insistante que je dus céder à ses caprices. Nous étions au restaurant libanais, et je faisais semblant d’afficher une attitude sereine. Ma copine commanda une pizza napolitaine. Elle prit aussi une bouteille de coca. Le garçon m’envoya la première facture : « La pizza coûtait 12.000 francs, la petite coca, 2000. »

Mon cœur tremblait dans ma poitrine. Des pizzas à 3000 francs, j’en connaissais. Comment celle servie à Katy pouvait coûter aussi chère ? Avec la bouteille de sucrerie, nous étions déjà à 14.000 francs. Mon rendez-vous avait déjà foiré !

• Vous êtes sûr que vous ne prenez rien ? me demanda le garçon en voyant qu’il n’y avait rien devant moi.
• Non non, merci garçon. Je suis en jeûne.
• Moi par contre, je prendrai de l’eau.

À ma grande surprise, l’eau qu’on envoya à Katy était dans une bouteille, payante. Difficile de lui dire de ne pas l’ouvrir… Ce restaurant était vraiment monstrueux ! Un quart de litre d’eau à 2000 francs !

La tête affaissée sur mon fauteuil, j’étais dans les calculs pendant que Katy mangeait goulûment, insoucieuse, sa pizza grande comme un château J’étais dans de sales draps. La facture faisait 16.000 francs tandis que je n’avais que 14.000 en poche. J’étais dans une équation difficile. Que faire ?…

Louis-César BANCÉ