Menacé d’être expulsé de son studio américain, Oscar regarda parmi son répertoire téléphonique lequel de ses connaissances serait à mesure de l’aider. Il courut aussitôt au domicile de Safi, cette gentille femme qui l’avait plusieurs fois sorti de situation :

– «Safi, lui dit-il en voulant s’agenouiller à ses pieds, mon bailleur veut me mettre à la porte aujourd’hui. Je sais que tu m’as plusieurs fois aidé, au point où j’ai hésité avant de m’emmener ici cette fois. Tu es mon seul espoir. Ça ne va pas, aie pitié de moi s’il te plaît. 🥺»

– «Non, tu n’as pas à t’agenouiller pour cela, Oscar ! S’il te plaît, relève-toi sinon je vais me fâcher. De combien as-tu besoin pour éponger ton loyer ?»

– «Ma maison fait 40.000 francs. Je dois trois mois.»

– «120.000 francs, c’est bien cela ? Attends-moi une seconde, j’arrive. »

Safi entra dans sa chambre et en sortit quelques minutes plus tard avec la somme sollicitée par son visiteur. Ce dernier la remercia en la bénissant abondamment, au bord des larmes…

Un mois plus tard, Oscar s’aména à nouveau chez Safi :

– «Mon amie Safi au grand cœur, si je suis ici, c’est pour te soumettre un projet. Chaque fois que je viens chez toi, je trouve un ordinateur portable sur ta table. Il me semble que tu ne l’utilises pas ?»

– «Pourquoi cette question Oscar ? »

– «J’ai besoin d’un ordinateur pour travailler. Mais ce serait un prêt, le temps que j’économise pour acheter le mien. Le travail consiste à télécharger la musique dans les téléphones et clés USB des gens, à partir d’un PC… D’après mes renseignements, ça peut rapporter entre 5000 et 10.000 francs par jour. »

– «Intéressant, ça ! Si ça peut t’aider à t’en tirer, pourquoi pas ? Mais quand comptes-tu me rendre ma machine si jamais j’accepte de te la prêter ?»

– «Je pourrais te la restituer dans trois mois au maximum. »

– «Alors prends-la. Mais je tiens à ce que tu me la ramènes dans le délai fixé. Elle a une valeur affective parce qu’étant un cadeau de mon défunt mari. J’y ai plusieurs fichiers importants dans le disque dur auquel je tiens énormément.»

– «Merci beaucoup Safi, tu es un ange. Sans toi, que serais-je ? »

Après trois mois, Oscar n’avait pas encore ramené l’ordinateur de son amie. Celle-ci resta calme, patientant durant une année en se disant que le  »jeune grouilleur » avait besoin d’une marge de temps plus suffisante pour se faire une meilleure santé financière. Un jour, elle lui envoya un message, lui disant avoir besoin de son appareil. Oscar se montra hostile dans ses réponses : « Ahi Safi, toi aussi ! Après plus d’un an, tu n’as pas encore oublié ce dossier ?  Pour moi tu me l’avais offert hein ! »

– «Mais qu’est-ce que tu racontes, Oscar ? Je ne t’ai jamais dit que je te faisais don de mon ordinateur. C’était un prêt sur trois mois. Si je n’ai pas voulu te faire un rappel après que tu as outrepassé le délai de restitution, c’est parce que j’ai considéré que tu en avais encore besoin pour ton travail. Maintenant, je veux ma machine. »

– «Tu n’as pas honte de revenir sur le sujet après plus d’un an ? Et puis, ça coûte combien, ce vieux truc que tu m’as donné ? Ce n’est même pas à la mode ! Pardon, laisse-moi hein, je suis passé à autre chose…»

Quand Safi envoyait un message au jeune homme pour réclamer son ordinateur, il se montrait très virulent. Après une investigation auprès des amis de ce dernier, elle découvrit qu’Oscar avait vendu la machine plutôt que de s’en être servi comme outil de travail comme il l’avait prétendu. Se sentant trahie, abusée, elle le menaça de le convoquer à la Police. Oscar répliqua en lui disant d’aller se faire foutre.

Si vous étiez Safi, que feriez-vous ?

Voyez-vous, ce ne sont pas tous ceux qui vous demandent des services qui méritent votre pitié. Il y en a qui sont des serpents rusés, des diablotins d’ingrats, qui, une fois votre aide obtenue, n’hésiteront pas à vous mordre !

Louis-César BANCÉ