En publiant le récit de la fille à la cuisse diamantifère qui n’acceptait pas qu’on soit trop collés dans le warren, j’ai été surpris des commentaires de la majorité des intervenants qui ont estimé que j’étais mal assis et que ma voisine avait raison. Certains ont attiré mon attention sur ma position d’équerre, sans même mentionner le fait que le siège du chauffeur était trop replié en arrière, me mettant dans une condition inconfortable. Dans les transports en commun, je ne fais jamais d’histoire ! J’y ai déjà été pris en sandwich entre deux apoutchous infréquentables sans me plaindre de mon étouffement.
Bref. Ayant compris le message des internautes, surtout des femmes qui m’invitaient à scotcher les jambes la prochaine fois, c’est ce que j’ai fait ce vendredi 17 juin, à bord du wôrôwôrô communal qui a décollé des 2Plateaux pour la Riviéra. Comme vous le voyez sur la photo, j’étais encore assis à l’angle gauche pendant que deux jeunes filles étaient à ma droite. Celle du milieu, habillée dans un collant noir, a disposé confortablement son sac entre ses jambes, les envoyant chacune à ses extrémités. Qu’elle était à l’aise ! Sur son côté Est, son pied régnait dans mon compartiment, m’obligeant davantage à joindre les pieds et à les maintenir droits comme une règle. J’étais une règle, et elle, une équerre, un compas déplié, sans gêne ! Mais je ne m’en plaignais pas. Je ne me plains jamais dans les transports en commun. Je crois qu’il faut éviter de faire des caprices en société, surtout quand il s’agit de partager un moment passager avec les autres, comme l’instant d’un voyage avec des co-passagers.
Dans le warren communal, la fille en collant noir a vu la façon dont j’avais les jambes jointes. Elle s’est certainement dit que j’étais intimidé quand elle m’a abordé :
-Monsieur, pourquoi vous vous asseyez comme ça, les pieds liés, comme si vous avez peur ? Détendez-vous, voyons !
Je lui ai souri. Elle a fait un mouvement de lèvres, comme pour mordre les miennes, à distance. Quand j’ai déplié les pieds, j’ai effleuré son collant-collé, et je l’ai sentie frémir. Nous nous sommes regardés. Elle était belle, j’étais beau. Il pleuvait dehors. Des gouttes de pluie nous parvenaient malgré les vitres hermétiquement fermées. Une secousse causée par un dos-d’âne la déséquilibra si bien qu’elle tomba sur moi. Quand la voiture retrouva son équilibre, elle voulut se relever mais ma petite caresse sur son épaule l’en dissuada. Elle resta couchée sur moi, rassurée, comme une petite fille dans les bras de papa. Nous nous murmurions, chaleureusement, le sentiment d’être des âmes sœurs qui s’étaient longtemps cherchées et qui avaient fini par se retrouver. C’était magique ! Soudain, le chauffeur nous ramena de notre hypnose :
-Celle qui descendait à la clinique Saint Viateur-là, on est arrivés, hein !
Maudia du chauffeur ! Moi, je devrais descendre plus loin, mais je ne pouvais pas laisser ma voisine s’en aller aussi facilement. Je payai nos deux places et la suivis, tel un automate… Nous courûmes sous la pluie, et n’ayant pas le choix, on s’abrita au premier abri : c’était un splendide espace vert doté d’un chapiteau. Le nom de l’endroit, DREAM ESPACE, avec un slogan très évocateur inscrit sur son mur : « Tout commence dans un rêve et se termine dans un espace. »
Le slogan de cet espace paradisiaque épousait l’histoire onirique qui se dessinait entre ma co-passagère et moi. Première rencontre, premier baiser… Quand deux âmes sont vraiment sœurs, « y a pas trop discours »…
-Dream Espace, que c’est beau, ici ! m’exclamai-je. Le destin est en train de nous dire que c’est ici que nous ferons notre réception nuptiale.
-Ah bon ? s’étonna ma camarade. Tu y crois déjà ? Mais on ne sait même pas encore nos différentes identités ?
-Je m’appelle Louis…
-Et moi, Océane.
Nous nous embrassâmes langoureusement sous la bénédiction de la pluie et de Dream Espace , le meilleur cadre pour la célébration des mariages et de tout événementiel !
Louis-César BANCÉ