Je suis Alice, jeune chômeuse ivoirienne domiciliée à Yopougon Gesco. Il y a quelques temps, j’ai fait la connaissance d’un jeune homme sur Facebook du nom de Pacôme Bouyg. Il m’a dit qu’il tient ce patronyme français de son père qui aurait des liens sanguins avec un européen rattaché aux grandes filières françaises. Je me suis prise d’amitié avec Pacôme. Le sentant plein aux as, je lui ai soumis un jour l’un de mes projets de commerce, afin qu’il me finançat :
- «C’est un peu gênant de te le dire, d’autant plus que tu n’es qu’un ami virtuel. Mais je me jette à l’eau, en espérant que je trouverai en toi une oreille attentive. Voilà, pourrais-je avoir une aide financière de 300.000 francs ? Je veux faire le commerce de produits cosmétiques.»
- «Oh Alice, a répondu mon correspondant, tu n’as pas à te gêner. Mais on fait comment ? Depuis qu’on cause, tu sais très bien que tu me plaîs.»
- «On fait comment, c’est-à-dire ?»
- «Pour être plus clair, je veux bien avoir un moment intime avec toi. Juste après, je te file ton financement.
- «Fhum Pacôme. C’est du chantage ?»
- «Non, pas du tout. C’est de l’amour. Y a-t-il un mal à t’avouer que tu ne me laisses pas indifférent ? D’ailleurs, au lieu de 300.000 que tu demandes, je me propose de te donner un peu plus du triple : 1 million !»
Le même soir de notre dialogue, j’ai donné mon accord à Pacôme. De toute façon, plein de mecs m’avaient sautée sans jamais daigner se montrer reconnaissants. Accepter 1 million en contrepartie de mes faveurs charnelles, à votre avis, était-ce gérer bizi ? Dites-moi que non, car je ne me suis jamais imaginée dans cette posture de bon nombre de mes amies qui en ont fait, souterrainement, un métier.
J’ai été au domicile de Pacôme, en me faisant très belle pour lui. Je retins que ce soir-là, on ne m’a jamais « cognée » aussi fort. Ce fut un moment intense et formidable au bout duquel je repartis chez moi avec 1 million de francs CFA. Le lendemain quand je me rendis au forum d’Adjamé pour mes achats, à la troisième boutique, je fus appréhendée par les deux premiers grossistes. Ils m’accusèrent de les avoir payés en faux billets. Ils firent venir la Police sur les lieux. Les hommes en tenue me fouillèrent, et concluant que j’avais une bonne quantité de billets contrefaits en ma possession, ils me deférèrent à la prison civile. À leur demande, j’avais révélé le nom de celui qui m’avait approvisionnée, mais apparemment les justiciers n’en avaient rien à foutre. Je pus l’avoir au téléphone depuis ma cellule :
- «Pacôme, qu’as-tu fait ? Tu m’as donné des faux billets. Par ta faute je suis en taule ! Pourquoi tant de méchanceté ?»
- «Écoute Alice, tu gagneras ton pain à la sueur de ton front et non de ton cra, tu as compris ?»
La réplique de mon « sorcier » me fit avoir honte de moi. Dans quelques jours je serais jugée, et je me demandais s’il était possible que je portasse plainte contre lui pour abus de confiance étant donné qu’il était entièrement responsable du malheur qui m’arrivait… Le plus dur était que j’avais adoré sa façon de me faire l’amour et que j’étais tombée amoureuse.
Louis-César BANCÉ