Connue à Niamey Centre pour son attachement à l’Islam et son respect des prescriptions religieuses, la famille Mahamadou craignait que leur dernière fille ne leur jetât la honte. À 17 ans déjà, Asma, très agitée, manifestait un penchement pour les choses mondaines. Plutôt que de porter un hijab comme ses vénérables sœurs aînées, elle préférait se pavaner en minijupe et trainer avec les jeunes garçons. On disait même qu’elle se faisait tripoter, au su et au vu de tous ! Soubanallah, assafroulaye ! Monsieur Mahamadou eut beau admonester son égarée de fille, Asma s’entêtait dans ses dérives, allant jusqu’à fréquenter les boites de nuit, selon les témoignages des kpakpatos de Niamey Centre. Soubanallah, assafroulaye !
Il fallait vite agir avant que la jouvencelle ne contractât une grossesse qui assénerait le coup de massue à l’honorable famille. Eh bah, dis donc ! Elle venait de décrocher le baccalauréat ! Pourtant, ses parents avaient pronostiqué son échec en raison de son esprit dispersé. Ils imaginaient qu’elle ferait pire à l’Université ! C’était les vacances. Après avoir réfléchi, leur décision était prise. Faisant asseoir Asma par terre pour lui réitérer leurs conseils, ils lui annoncèrent la petite nouvelle :
-Maintenant, apprête tes bagages, tu iras faire tes vacances chez l’Imam Karamoko, dans la ville de Maradi ! Tu prends le car dès ce soir !
-Mais qu’est-ce que c’est que ça, papa ? Maman ? Et vous me faites tomber ça, comme ça ? Je vous ai toujours dit de me faire confiance. Vous aviez prédit que je n’aurais pas le bac, et je l’ai eu, cette année !
-Eh benh, on ne veut pas que tu ailles faire des bêtises à la rentrée. Parce que l’Université, c’est un autre monde ! On a entendu que des filles de bonnes familles s’y prostituent, pas pour de l’argent, mais juste parce qu’elles recherchent des sensations inexplicables. Les deux mois que tu auras à passer chez l’imam Karamoko, feront de toi, une fille sage, on l’espère. Tu n’as pas d’autre choix que de nous obéir.
Ami de la famille Mahamadou depuis des lustres, l’Imam Karamoko, était d’une intransigeance en matière de principes religieux. Principal Mollah de la mosquée LCB de Hougoubéré, un quartier de la ville de Maraka situé à plus de 600 kilomètres de Niamey, il accueilit Asma chez lui, soucieux de la transformer et être digne de la confiance des Mahamadou. Asma passa deux mois de vacances chez l’Imam, traitée comme une princesse par les quatre épouses du Guide religieux… De retour à Niamey Centre, en famille, on l’inscrivit dans une prestigieuse université privée. Snif. La petite paraissait plus calme, s’habillant décemment et devenue miraculeusement casanière. Son séjour à Hougoubéré l’avait manifestement assagie. Monsieur Mahamadou envoya un transfert d’argent à l’Imam Karamoko pour le remercier d’avoir su être le parfait éducateur pour la nouvelle étudiante.
-Oh, non, il ne fallait pas ! s’indigna l’Imam. Je ne t’ai pas rendu ce service pour que tu me paies, mon ami ! Je vais te ramener ton argent !
-Si tu le ramènes, considère que tu as écorché notre amitié ! protesta gentiment papa Mahamadou. Dis-toi que cet argent est juste ma contribution pour soutenir tes enfants pour cette rentrée scolaire.
-Merci mon ami Mahamadou. Mais prochainement, ne fais plus pareille folie !
***
On s’acheminait vers la fin du premier semestre de l’année universitaire. Ayant remarqué qu’elle souffrait de divers malaises, Asma Mahamadou alla sur la pointe des pieds consulter un médecin. Le diagnostic qu’on lui révéla la mit dans un état de trouble dépressif. À la sortie de l’hôpital, elle s’isola dans un endroit et téléphona l’Imam Karamoko :
-Allô bébé… Ce que je soupçonnais a été malheureusement confirmé par le docteur. Je suis enceinte !
-Quel malheur ! s’exclama le Guide religieux. Mais tu es sûr que cette grossesse est vraiment de moi ?
-Im…bécile ! Tu me prends pour qui ? Tu sais très bien que tu es le seul homme avec qui j’ai couché ces derniers mois en plus d’être celui qui m’a déflorée.
-Oh oh oh, pas de gros mots, ma poupée. On n’insulte pas un Homme de Dieu, c’est un péché. Calme-toi, je te crois. Cependant, si tes parents apprennent la nouvelle, je suis foutu ! Ce serait un scandale dont ils ne s’en remettraient pas ! Il va falloir qu’on envisage très vite une solution. Je pense à un avortement…
-Im…bécile ! À cinq mois de grossesse ? Pour mettre ma vie en danger ?
-Euh bébé…, balbutia le septuagénaire. Dans ce cas, qu’est-ce qu’on fait ?🤔🙆🏾♀
Louis-César BANCÉ