Premier Mai 2022. C’est la fête du travail aujourd’hui. Maadou Nêguè, chauffeur de wôrôwôrô à Yopougon, n’a pas son assurance auto à jour. Expirée depuis quelques semaines, il n’a pas trouvé la nécessité de la renouveler. De toute façon, il peut bien travailler en s’arrangeant avec les agents de contrôle routier. Vers 11 heures, au carrefour LCB du quartier Maroc, la voiture de Maadou Nêguè est sifflée par une policière : commissaire Tétine ! Cette dernière, joliment vêtue dans sa chemise bleue ciel et sa jupe bleue foncée, s’avance vers le véhicule immobilisé au bout du trottoir.
- -Les pièces, s’il vous plaît, contrôle de routine ! s’exclame-t-elle à l’endroit du chauffeur.
Maadou Nêguè sort de son coffre à gant les papiers de sa voiture et les tend à la policière. Après y avoir jeté un coup d’œil, celle-ci affirme qu’il y a une irrégularité :
- -Votre assurance n’est pas à jour, monsieur Nêguè. Vous êtes en infraction, passible de poursuite judiciaire !
- -Eh, autorité Tétine, c’est votre petit qui est là, il faut sciencer ! Vous savez, entre vous les policiers et nous, c’est une histoire d’alliance, oh. Je fais partie de ceux qui étaient heureux pour vous quand le DG de la Police vous a reçue dans son bureau. Vous n’allez pas me verbaliser, quand même ?
- -Et que pensez-vous que je devrais faire ? demande la commissaire de sa voix frêle.
- -On peut s’arranger. J’ai anticipé en mettant quelque chose en dessous de la carte grise. Ça peut quand même vous servir à acheter votre cerelac !
- -Monsieur Maadou Nêguè, vous voulez corrompre un agent de l’ordre dans l’exercice de ses fonctions ? Vous tombez sous le coup d’une double infraction ! Défaut d’assurance et tentative de corruption d’un agent de police. Moi, je suis de cette Côte d’Ivoire des valeurs où chacun devrait faire son travail avec toute la conscience professionnelle qui se doit.
- -Ehé Caire Tétine, pardon… Comment allais-je pouvoir nourrir ma famille si je ne sortais pas pour travailler ?
- -Vous croyez aimer votre famille en prenant ainsi le risque de lui priver de votre liberté ? Savez-vous qu’en cas d’accident vous risquez la prison, à une peine lourde ? Il est impératif que vous conduisiez, assuré, pour vous-même votre sécurité, celle de vos passagers ainsi que des autres automobilistes et piétons. Je suis désolée, mais mon devoir est de vous mettre aux arrêts. Je garde vos pièces, et tenez les 500 francs que vous y avez dissimulés. Je suis suffisamment bien payée pour pouvoir m’offrir des tonnes de cerelacs !
- -Fhum, Caire Tétine !
- -Eh oui, monsieur Nêguè, il n’y a rien de tel que le travail bien fait pour l’avancée d’un pays ! Joignez vos mains que je vous passe les menottes !
Louis-César BANCÉ