Depuis que je suis tout petit, mes parents n’ont cessé de me parler du père Noël. On m’a dit qu’il vivait dans un royaume lointain situé au ciel, après les nuages, et qu’il ne venait sur terre que chaque 25 Décembre pour offrir des cadeaux aux enfants qui sont restés sages le long de l’année. À l’école, le maître également nous parlait de ce grand homme au bonnet rouge, à la longue barbe blanche, à la veste et au pantalon rouge fourrés par un gros ceinturon. Ses bottes noires, tout aussi impressionnantes !
Un jour de Décembre, peu avant la période festive, l’école nous avait même demandé d’écrire une lettre au papa Noël, et qu’un avion se chargerait de la lui emmener au ciel. J’avais rédigé mon courrier avec ma plus belle écriture, en m’appliquant à ne commettre la moindre faute, car je voulais que le gentil monsieur qui habite chez Dieu sache que j’ai bien retenu mes cours d’exploitation de texte. J’avais 6 ans, et quelques jours après ma lettre, je me suis réveillé avec un beau vélo à mon chevet. J’avais émis le vœu d’avoir cet engin et le père Noël m’a exaucé sans toutefois me montrer sa face. Mes parents m’avaient dit que j’avais trop dormi et que le papounet n’a pas pu m’attendre longtemps, ayant d’autres enfants à visiter. J’ai eu tellement mal ce jour-là que j’ai pleuré. Je tenais tant à le voir, vous ne pouviez l’imaginer !
L’année qui a suivi, j’avais 7 ans. Et l’école nous annonça que le père Noël viendrait nous voir et qu’il passerait plus de temps avec nous. Youpi ! Incroyable ! mais c’était vrai, il est venu, dans sa belle tenue rouge blanc et ses petites lunettes transparentes pendant à son nez. C’était un homme blanc tel que nous le voyions dans les dessins et nos rêves. Nous l’avons touché et pris des photos assis sur ses jambes à la faveur de cet arbre de Noël qui avait été organisé dans l’établissement, et il nous a donné de jolis cadeaux bien emballés. Vers la fin de la fête, ma grande sœur vint me chercher pour que nous rentrions à la maison. Mais avant, elle en profita pour se prendre en photo avec le père Noël.
- Puis-je m’asseoir sur vos pieds, comme l’ont fait les tout-petits ? demanda-t-elle au barbu.
- Bien-sûr ma grande ! Le père Noël est assez solide pour tout supporter ! acquiesça-t-il avec un très large sourire.
Vêtue d’une combinaison noire moulante mettant en exergue ses formes énormes et aiguës, Christelle s’assit sur les jambes du père Noël pendant que ce dernier lui enroula les hanches. Après les photos ils discutèrent un peu, presqu’avec des murmures, puis à ma grande surprise, le distributeur de cadeaux se leva pour nous accompagner jusqu’à la maison, à la marche. Nous habitions juste à une centaine de mètres de l’école. Wahooo ! parmi tous mes amis je fus le seul qui eut le privilège de recevoir le père Noël à domicile ! J’en aurais tellement à m’en enorgueillir auprès de mes camarades !
Et curieusement, après cette visite, les autres jours, un homme blanc venait fréquemment s’entretenir avec ma grande sœur. Hormis la tenue rouge qu’il ne portait pas, je vous assure qu’il avait des traits de ressemblance avec papa Noël… Ma conscience me jouait-elle un tour ? Christelle me fit l’accompagner un soir au domicile de son blanc, et très souvent nous y allions. Ils me laissaient dans le salon du monsieur où je me délectais des dessins animés pendant qu’ils s’éternisaient dans une pièce. C’est alors qu’un jour j’aperçus l’accoutrement du père Noël traînant sur une corde, au milieu d’une multitude de vêtements sales, dans un angle de la demeure. J’avais tout compris ! À 7 ans j’avais déjà découvert que l’image du père Noël qu’on nous servait était illusoire. La preuve, aujourd’hui j’ai 27 ans, et le père Noël est mon beau frère. Christelle et lui ont eu deux enfants ensemble…
Le salaud ! je le prenais pour un ange vivant au ciel, or il faisait des cochonneries avec ma sœur !
Louis-César BANCÉ