-Sansan ! Sansan ! Apporte-moi un café ! ordonna le président de la république à son domestique.
-Oui patron, tout de suite ! répondit le valet en s’exécutant.
C’était comme ça, tous les matins, de bonne heure. Le chef de l’État prenait un »serré » avant de se rendre au palais présidentiel. Ça lui permettait d’avoir de la fougue durant toute la journée. Sansan, son boy, qui lui était d’une fidélité légendaire, partait pour des congés de trois mois. Il effectuait son dernier jour de travail et devrait être remplacé par un nouveau boy intérimaire…
Le long cortège du Président de la République traversa la ville jusqu’à s’immobiliser à la cité LCB, lieu de résidence du Premier citoyen du pays. Une fois dans son immense garage, le chef de l’État sortit de sa voiture, escorté par ses gardes. À peine fit-il quelques pas vers le jardin qu’il se souvint avoir oublié sa mallette dans son véhicule. Il sollicita l’un de ses gardes :
-Souley ! Va me chercher mon sac !
Comme un rat palmiste, Souley courut vers la Mercedes, et plongeant la main après avoir ouvert la portière, il dénicha le sac de son patron, qu’il lui ramena.
Le Président prit rapidement sa douche. La Première dame lui lava le dos dans la baignoire où ils étaient entrelacés. Quand ils se mirent à table, le Prési, constatant que le sel était insuffisant dans sa sauce, appela son boy :
-Sansan ! Sansan !
-Chéri, lui dit sa compagne, tu as oublié que Sansan est en congés ? Il a été substitué par un nouveau.
-Je comprends pourquoi le sel n’est pas à la mesure de ma convenance. La sauce n’est pas mal, mais la dose salée est insuffisante.
Le nouveau domestique se pointa aussitôt :
-Patron, je m’appelle Demba, et j’ai remplacé Sansan. C’est moi qui suis là. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
-Demba, d’accord. Apporte-moi du sel !
-Monsieur le Président ?
-Oui Demba ?
-Quand vous me demandez d’accomplir une tâche pour vous, bien que je sois votre valet, il serait bienveillant que vous ajoutiez une formule de politesse à vos ordres : Demba, apporte-moi du sel s’il te plaît. Ou encore, Demba, tu pourrais m’apporter du sel ?
La Première dame, qui s’adressait à ses sujets du même ton que son époux, se mit en colère :
-Demba, quelle outrecuidance ! C’est à ton patron, et en l’occurrence au Président de la République que tu parles ainsi ?
Le Président fixait son boy, plutôt admiratif :
-Demba, tu pourrais m’apporter du sel s’il te plaît ? se corrigea-t-il à la grande surprise de son épouse.
Quand Demba lui apporta le bol de sel dans un sourire, le Président, avec beaucoup d’humilité, s’exprima :
-Chérie, apaise ta colère. J’aime le courage et la personnalité de ce domestique qui ne s’est pas laissé intimidé par mon titre pour me dire ses vérités. Et ce qu’il dit est tellement vrai, que je ne peux que l’en féliciter et lui dire merci de me faire descendre de mon impertinence. Même un Président de la République, en demandant un verre à son domestique, devrait le faire avec des termes de politesse. N’est-ce pas, très cher Demba ? N’est-ce pas mon très cher ami ?
-Je vous en prie, Monsieur le Président !
Louis-César BANCÉ
#Récit #Nouvelle #Littérature
C’est vrai que ce n’est pas partout qu’on doit employer les formes de politesse, le raccourci de la forme impérative étant compréhensif, mais il y a des personnes pour qui les formules de politesse n’existent complètement pas dans le langage ! 🤦🏾♂