.Le professeur de mathématiques rencontra le chemin de son élève, dans ce couloir étroit de l’administration scolaire. Certain qu’aucun regard indiscret ne le verrait, il essaya de coincer la belle jeune fille dont la tenue d’école était à moitié recouverte d’un long voile religieux.
- «Tu ne sais pas qu’il fait chaud, Djamila ?, pour te parer dans un voile qui empêche tes pores de respirer ? lui fit-il remarquer. »
- «Monsieur, il n’y a rien de plus confortable que l’air de Dieu avec Qui je me sens en adéquation. Veuillez me laisser tranquille. »
- «Kpa ! Tu sais, elles sont nombreuses, tes amies de classe, qui rêvent de passer du bon temps avec moi. Mais je n’offre pas cette chance à elles toutes. Tu ne dis pas Dieu merci que mon choix se soit porté sur toi ? Viens, on va aller se gérer, ôrrh, tu fais trop malin !»
- «Ce n’est pas le malin. Je suis juste une personne qui respecte son corps, et qui le réserve pour son futur mari, pas pour des aventuriers-grignoteurs.»
- «Fhum ! C’est à ton prof tu parles comme ça ?Aucun respect ! Arrête ta pièce de théâtre. On sait comment vous êtes, vous les filles qui portez les voiles. Vous êtes les plus dangereuses. Derrière vos apparences de saintes se cachent de véritables saintes-nitouches !»
- «Monsieur Djoukouéhi, je suis musulmane, et je ne serai pas un objet raccommodé, rapiécé pour l’époux que Dieu voudra bien me donner. Un objet passe-partout, qui aura vadrouillé sous mille braguettes avant de se poser chez le vrai élu, sans pouvoir offrir à ce dernier ce qu’une femme a de plus cher. Monsieur, je suis musulmane, et ça inclut que je suis une femme de valeur. Je ne suis pas une femme du monde. Contentez-vous de m’apprendre les mathématiques, là où vous vous y connaissez, car vous faites fausse note dans vos calculs pour atteindre votre cible que je suis. Veuillez me laisser le passage. » Le professeur s’écarta légèrement. Tandis que son élève s’avançait vers la sortie et qu’il imaginait son postérieur sans sa jupe barricadée par ce pan de voile, il se laissa la complimenter :
- «Djamila… j’adore ton sourire, il est angélique !»
- «Merci…»
- «Mince ! Va, vilaine !»
Dix ans après…
La jolie Djamila avait rencontré un jeune homme : Yvan-Nader. C’était un gars bien qui ne la laissait pas indifférente. Ils se voyaient tous les deux, bientôt, mari et femme. Le jeune amoureux n’hésita même pas à confesser à son père : « Papa, je crois que j’ai trouvé enfin la femme de ma vie ! Sa beauté, sa vertu et son intelligence m’ont subjugué ! Sa famille m’a adopté, et j’espère qu’elle sera également bien accueillie chez toi. »
-« Et comment s’appelle-t-elle, cette femme vertueuse ?»
- «Djamila. Je vais te la présenter dans les heures qui suivent. Elle arrive…» Peu de temps après, le père, monsieur Djoukouéhi, se retrouva en face de la fiancée de son fils, surpris de ce qu’il s’agissait de la Djamila qu’il avait enseignée en classe de Terminale, et qu’il avait souhaité toucher un peu, sans pouvoir parvenir à ses fins. À la présentation d’Yvan-Nader, anciens élève et prof de maths à la retraite, firent semblant de ne pas se reconnaître, discutant cordialement, dans une ambiance bon enfant. Au lendemain de sa nuit de noces, heureux d’avoir gauler la perle rare, Yvan-Nader, interrogé par son curieux papa, lui donna des nouvelles : « Elle m’a fait l’honneur d’être son premier homme, moi qui suis son mari devant Dieu et les Hommes. Et pour cela seulement, je l’aime encore à la démesure ! C’est une femme cérébrale, dont la compagnie illumine mes journées… » Monsieur Djoukouéhi se souvint aussitôt de ce que son élève lui avait dit dans le couloir de l’administration scolaire, il y a une décennie, et qu’il avait pris pour un « kpaflotage » : «Monsieur, je suis musulmane, et ça inclut que je suis une femme vertueuse ! »
Or, elle savait de quoi elle parlait. Il était fier qu’un tel diamant fluvial pût s’introduire dans les veines de sa progéniture, à travers le choix judicieusement nuptial de son fils.
Louis-César BANCÉ
banceglory@yahoo.fr