La Police nationale avait fait un communiqué officiel sur ses différentes tribunes d’expression. Elle avait publié une photo de deux de ses éléments, en tenue de travail, aidant un chauffeur de wôrôwôrô à faire démarrer sa voiture. Les corps habillés, les mains derrière le taxi vert et les godasses en appui sur le sol, poussaient l’auto de toutes leurs forces, comme le ferait un Iron Biby à une compétition de log lift. L’image publiée sur les réseaux ainsi qu’au journal télévisé de 20 heures a fait un buzz international. Le directeur général de la Police tenait à retrouver ses deux subordonnés dont aucun numéro matricule n’apparaissait sur la tenue. On les surnomma CHASUBLE 6 et CHASUBLE 12. Wanted !
Quelques jours après l’avis de recherche, les deux policiers furent retrouvés, cachés en dessous d’un lit. Ils croyaient qu’on les cherchait pour des sanctions.
Bien au contraire, une cérémonie d’hommage leur fut rendue à la présidence, en présence du chef de l’État, des chefs d’institution, des corps d’élite, des guides religieux ainsi que d’illustres invités venus de l’étranger. Seul journaliste convié à la cérémonie, LCB vous offre un résumé des allocutions. Sur le pupitre, le directeur général de la Police nationale :
- Monsieur le Président de la République, chers guides religieux, chefs d’élite, honorables invités cher public, c’est avec beaucoup de bonheur que nous sommes réunis ce matin pour célébrer deux policiers d’une exemplarité incommensurable. J’ai nommé chasuble 6 et chasuble 12, qui sont respectivement à l’état civil Coulibaly Losséni et N’guessan KouaKou Richard. Une photo de ces deux policiers, assis majestueusement devant vous et que je vous demande d’ovationner, a fort heureusement été immortalisée par un inconnu — la photo est présentée sur l’écran géant par les techniciens et le directeur poursuit —. Ces braves policiers en train d’aider un chauffeur de wôrôwôrô à pousser son véhicule, c’est toute la symbolique de la complicité positive de nos forces de l’ordre avec les citoyens. C’est ce qu’on veut pour ce pays. Telle doit être la quintessence des relations citoyens-policiers. Une relation d’entraide, de solidarité. Car le policier est fait pour combattre les Hors-la-loi et se battre pour les hommes DROITS ! Pour avoir saisi toute la teneur de la devise de la Police qui est, SERVIR, NOTRE VOCATION, j’offre, au nom de mon entité, la somme de 20 millions à Coulibaly Losséni ainsi qu’à son acolyte N’guessan Kouakou Richard !
Le directeur de la Police rejoint les loges sous les ovations du public. À son tour, le chef de l’État s’installe sur le pupitre pour son discours :
- Pour commencer, ayé tèguèlè fo. Oui, ces ovations que vous faites en hommage à Coulibaly Losséni et N’guessan Kouakou Richard sont purement méritées. Notre beau pays est sur la voie de l’émergence, et l’attitude chevaleresque de ces deux policiers à l’égard d’un chauffeur en détresse en est amplement la confirmation. Le directeur l’a dit, le rôle du policier est d’accompagner le citoyen. Nos braves soldats l’ont si bien compris qu’à titre de récompense, je leur offre, au nom de la République, un chèque de 30 millions chacun. Merci à Coulibaly Losséni et à N’guessan Kouakou Richard d’avoir montré aux yeux du monde que l’État travaille et que le racket, c’était sous l’ancien pouvoir, le racket est terminé !
Depuis la distinction de Coulibaly Losséni et N’guessan Kouakou Richard, le racket a effectivement baissé, les policiers s’évertuant désormais à être les bélas des wôwôwôrôs et gbakas en panne en sollicitant des passants pour les prendre en photo…
Louis-César BANCÉ