Depuis dix ans que je suis arrivée en France, je n’ai pas encore réussi à m’intégrer. Toujours sans-papiers, je erre ça et là, dormant dans les cuisines de mes employeurs qui me sous-payent ou encore passant la nuit dans les métros, dans un froid dépeçant.
Vous savez, en Europe, lorsqu’on est sans-papiers, on est en proie à toutes sortes d’exploitation et aussi d’injustices.
Je m’appelle Jocelyne, je suis une jeune fille ivoirienne battante. C’est une tante qui m’a emmenée à Paris en faisant croire à ma famille qu’une fois en France, elle m’inscrirait dans une école de formation afin que trois ans après, je commence à travailler. Ça n’a pas été le cas. Elle a plutôt fait de moi sa boniche en m’infligeant les supplices les plus inimaginables. De temps en temps elle faisait en sorte que je puisse envoyer quelques euros à ma famille d’Abidjan pour lui faire croire que tout allait bien pour moi dans le meilleur des mondes.
Savez quoi ? Dans sa maison, ma tante ignorait que son mari me faisait la cour. Je n’avais pas intérêt à le révéler au risque de me retrouver dehors, SDF. Mais au bout du compte je ne sais plus si j’avais opté pour la meilleure décision car ce voyou d’époux de ma tante avait fini par me forcer à lui céder mes charmes. Résultat : une grossesse. Quand tantie se rendit compte que j’étais enceinte et que je lui avouai que c’est son mari qui en était l’auteur, elle mit immédiatement mes bagages dehors… Je ne vous dis pas combien j’ai souffert jusqu’à l’accouchement. Je n’ai soufflé aucun mot à mes parents sur mon enfer parisien. Sans savoir ce que je traverse, ces derniers ne manquent pas de me harceler pour me demander de l’argent, interprétant mon silence comme de l’égoïsme. Je connais l’esprit de la famille africaine. C’est difficile pour un benguiste de lui faire accepter que l’Europe peut être plus infernale que l’Afrique… Depuis lors, je erre avec mon enfant sans père sous les bras en vivant ma vie de SDF, dans l’espoir que l’horizon me sourisse, un jour…
Même à Abidjan, dans mon petit quartier d’Abobo avec un apprenti-gbaka comme petit gars, j’étais plus heureuse…😭😭
Louis-César BANCÉ