À Abidjan, on dit que femme aime voiture. Mais je ne savais pas que c’était à un degré si extrême. En tout cas, j’ai remarqué que depuis je suis véhiculé, je fais moins d’effort quand il s’agit de draguer les femmes de Babi. Elles se donnent facilement, après un ou deux échanges. Vous ne croyez pas ? Si vous êtes piéton veuillez acheter ne serait-ce qu’un tacot et vous constaterez votre succès auprès de la gent féminine.
Le souvenir qui m’a particulièrement marqué dans mes succès avec les femmes grâce à ma voiture, est celui que je vais vous raconter maintenant.
Nous sommes en période de coronavirus. L’ argent se fait rare, et nous sommes nombreux en auto-confinement. Un soir je roule doucement ma bagnole quand soudain sur la voie bitumée, j’aperçois une belle forme féminine vêtue d’une robe moulante de couleur blanche pointillée de vert. Je gare à son niveau, descend rapidement ma vitre en klaxonnant. La demoiselle, qui se sait héler avec mes manèges, s’arrête et me regarde :
- Bonjour mademoiselle. Où allez-vous de ce pas ? Je vous dépose ?
Elle me sourit et décline mon invitation :
- Non merci monsieur, c’est gentil. Je vais prendre juste un wôrôwôrô au bout du chemin…
J’insiste en suivant la jolie fille, appuyant doucement sur l’accélérateur. En fin de compte elle se laisse attendrir par mon invitation, et grimpe dans ma voiture, au copilote. Pendant que je conduis, nous bavardons, et je dépose subtilement mes pions de séduction. J’ai de la chance.
L’ embouteillage monstre qui règne au rond point de Siporex nous permet de converser longtemps. La jeune demoiselle semble aussi se plaire dans ma voiture climatisée, et apprécier par-dessus tout ma grande technique de drague. Je l’invite à prendre un pot. Sa réaction montre qu’elle n’y est pas défavorable :
- Un pot ? Mais où ? Puisqu’à cause du coronavirus le gouvernement a ordonné la fermeture de tous les espaces de restauration ainsi que des maquis.
- Je connais un glôglô. C’est vrai que l’interdiction a été donnée, mais à Abidjan ici il y a toujours de petits malicieux qui agissent en sous-marin, et ce n’est pas sans nous arranger. On y va ?
Annick acquiesçe par un silence approbateur, et quelques instants plus tard, nous sommes installés dans un maquis clandestin au quartier Wassakara, non loin de l’habitation très connue du groupe zouglou Les garagistes. Un vendeur de choukouya officiant à l’entrée de notre glôglô nous sert des bons morceaux de viande, après que j’ai passé la commande, non sans lui faire inteligemment signe d’ajouter du kankankan à son piment. Pour ceux qui ne le savent pas, le kankankan original est une poudre nigérienne au caractère aphrodisiaque. Il provoque l’excitation chez la femme et renforçe la virilité de l’homme. Il faut voir Annick manger avec tellement de gourmandise ! Les effets du coronavirus, du confinement et de la galère. Je parie qu’elle doit me remercier du fond de son cœur pour lui avoir permis de déguster un mets aussi savoureux, en la sauvant de la faim. J’espère qu’en retour, elle saura se montrer compréhensive, reconnaissante en me laissant aussi la dévorer. Le lieu où nous sommes est aussi un espace hôtelier. Il y a des chambres au premier étage. Sans complexe et avec tact, je fais part à mon invitée de mon envie de passer des moments d’intimité avec elle. Au début elle se montre très réticente, disant qu’elle se voit très mal en train de se donner à un homme le même jour. Je la rassure :
- Ça ne fait rien, Annick. Je connais des gens qui se sont amourachés le même jour et qui ont fini par se marier. Qui sait ? Peut-être serait-ce pareil avec nous ? Puisque je suis célibataire, sans enfant. Et toi ?
- Je suis aussi célibataire.
Annick et moi parlons encore. Comme on le dit en argot ivoirien, je la kpokpo, jusqu’à ce qu’elle s’affaisse sur mon épaule, en signe de consentement. Je fais signe au gérant du coin qui nous arrange une chambre. Pour la première fois de mon histoire de don Juan, je valide une petite go que j’ai rencontrée le même jour.
À la sortie de la chambre d’hôtel, Annick et moi embarquons dans ma voiture. Je m’en vais la déposer. Et curieusement au cours du trajet, les détours qu’elle m’indique m’envoie tout droit dans mon quartier. Au carrefour de mon domicile sis au quartier Millionnaire, je n’en peux plus. Je perds ma sérénité, éteins le moteur du véhicule, et demande à celle à qui je viens de faire un mougoupan où nous allons réellement. Elle m’indique verbalement sa destination tandis que je commence à trembler.
- Tu te rends à la cité LCB, tu dis ?
- Oui bébé.
- Et tu sais le numéro de la porte où tu vas en visite ?
- Oui, villa numéro 414. J’ai été contactée par une dame via Internet. Elle est passée par une agence de placement de servantes pour recourir à mes services. Je commence le travail chez elle aujourd’hui.
Villa numéro 414 ! Bon Dieu ! Bien que je sache où c’est situé, je demande quand même à Annick pour en avoir le cœur définitivement net :
- Et quel est le nom de cette dame chez qui tu pars travailler ?
- Madame Coralie Okrou. Pourquoi toutes ces questions ?
Chers lecteurs, j’ai menti à Annick quand je lui ai dit être célibataire. Je suis Francis Okrou, marié et père de quatre enfants. La villa numéro 414, c’est chez moi, et mon épouse s’appelle Coralie Okrou née Zokou. Elle m’a aussi prévenu il y a quelques semaines qu’elle ferait venir une fille de ménage à la maison. Je suis dans pain…
Louis-César BANCÉ