Atterrissage à l’aéroport international Murtala Muhammed de Lagos. Comme j’avais hâte de rencontrer le guérisseur Ayolédé Wakirou susceptible de me rendre à nouveau homme ! Je serais capable de l’en remercier en lui donnant la moitié de mon salaire pendant toute ma vie en faisant de même avec ma pension de retraité, quand viendrait l’heure de mon admission au garage. Que vaut un homme dont le soldat est mort ? C’est ce vaillant guerrier qui nous donne du goût à la vie. Quand il va au front pour remporter des guerres, on en est heureux, et la vie est belle ! Mais quand il est incapable de se mettre debout pour tirer un projectile, on se sent inexistant dans un monde terne de non-sens.
L’avion a déposé ses ailes à Lagos autour de 18 heures. Nous faisions un contrôle d’identification et un repérage de nos bagages, avant d’être autorisés à rejoindre l’extérieur. J’avais une valise numérotée, comme tous les autres passagers. Pendant que je la cherchais sur le courrousel à bagages, en vain, deux hommes en tenue aéroportuaire s’avançèrent vers moi, et s’exprimant sur un ton dur, ils me demandèrent de les suivre. Dans un bureau où il y avait aussi des policiers dont le macaron indiquait « National Drug Fighting », ils me montrèrent une valise référencée LCPASS236 et me demandèrent si je pouvais l’identifier comme étant la mienne. Il ne faisait aucun doute que c’était mon sac. J’acquiesçai, et aussitôt ils me sortirent la bonne nouvelle :
-Monsieur, nous avons trouvé de la drogue dans votre valise. Deux kilos de cocaïne. Savez-vous que le trafic de stupéfiants est interdit en République Fédérale du Nigeria ?
-Que dites-vous ? m’étonnai-je en me croyant dans un film. C’est une blague ? Ce sac est le mien, mais je n’y ai aucunement introduit de la cocaïne ! On a dû le faire à mon insu !
-Monsieur Loukou Coffi, vous avez le droit de garder le silence et de recourir à un avocat. Tout ce que vous direz pourrait être retenu contre vous au tribunal. Désolé, mais vous ne pourriez plus sortir pour vaquer à vos occupations. Nous vous envoyons au commissariat pour saisir votre déposition et vous transférer directement à la Prison Civile de Lagos !
-Mais non ! Vous plaisantez, là ?! Je suis innocent !
Les Policiers me mirent les menottes et m’embarquèrent à bord de leur fourgonnette. J’avais l’impression de rêver ! Comment la drogue s’était-elle retrouvée dans mon sac ? Un coup de la Police qui serait en réalité la véritable animatrice des trafics ?
Après la saisie de mon Procès Verbal au commissariat de Lagos, on m’expédia directement au cachot. Je découvrais le milieu carcéral pour la première fois, partageant la même cellule qu’un groupe de dealers. Bon Dieu ! Qu’ils étaient agressifs et dangereux ! Certains parmi eux voulaient même m’éfféminer, m’utiliser pour satisfaire leurs libidos longtemps restés oisifs. Quand je vis cela, je sortis aussi les muscles sous les conseils d’Adébayor, un co-détenu affable de qui j’étais le plus proche : « My brother, joue-toi également les guerriers au risque de finir dans leurs marmites ! En prison, c’est comme ça, il ne faut pas faire mol sinon ils feront de toi leur objet ! »
Adébayor était condamné à mort pour avoir fait un blasphème public contre le prophète Mahomet. Je découvrais, surpris, que la peine capitale était applicable en République Fédérale du Nigeria ! J’en avais peur. C’était terrifiant !
C’est au prix de mon courage que mes co-détenus nocifs me laissèrent tranquille.
Deux semaines s’écoulèrent, pendant lesquelles nous étions malnutris. Puis je passai en jugement, harcelé au parquet par un interrogatoire du Procureur. Il voulait que je leur fisse gagner du temps en avouant ma culpabilité. Je restai ferme dans la réclamation de mon innocence, comme mon codétenu Sunday me l’avait conseillé lorsque nous parlions des circonstances de mon arrestation. Malheureusement pour moi et peut-être sans surprise, les hommes à la toge trouvèrent les preuves beaucoup trop manifestes. Le juge me condamna à la prison à perpétuité conformément à la législation du pays. Je retournai en prison, sans n’avoir pas digéré ces malheurs qui m’accablaient… Les téléphones étant interdits à la maison carcérale, les gardes pénitentiaires en avaient fait un bizness. Ils nous les louaient en échange de quelques billets de naira. Au bout d’un moment je pus m’en offrir pour joindre Ahouéfa.
-Mon Amour ! s’écria-t-elle. Enfin !❤ Pourquoi ce long silence ? Comment tu vas ? Quelles sont tes nouvelles ?…
Je lui racontai toute ma mésaventure. Elle resta silencieuse jusqu’à ce que le cellulaire me fût arraché par les bailleurs. Je savais qu’elle pleurait. Dans ma cellule, les yeux embués de larmes, je me revoyais avec ma jolie béninoise la veille de mon départ pour le Niger. Elle m’avait fait visiter des sites touristiques de son pays dont la fameuse statue de l’Amazone, érigée à l’honneur des guerrières du Dahomey. Nous étions optimistes quant à ma guérison et voilà que mon voyage du Nigeria m’avait donné le coup de massue, anéantissant à jamais nos espoirs de retrouvailles ? 😭
Louis-César BANCÉ