Je devais avoir 10 ans. Ma mère prépara un médicament qu’elle fit aspirer par son purgeoir. Il lui arrivait souvent de nous purger, pour prévenir les maladies… Ce jour-là, je crus que le traitement serait infligé à ma petite sœur. C’est du moins ce que maman nous fit croire jusqu’à ce qu’ à ma grande surprise, quand sa recette fut prête, elle fit un bond dans ma direction pour me saisir. Je parvins à m’échapper de ses griffes in extremis en sortant de la cour, les jambes à mon cou comme un rat palmiste fuyant la menace d’un chasseur. Je courus de toutes mes forces à travers tout le quartier tandis que ma docteure traditionnelle hurlait à mes trousses :

• «Arrête-toi, petit morveux ! Sinon si je t’attrape, je vais te purger avec des fessées !»

Maman et moi courûmes comme Tom et Jerry. Je me demandais où elle tirait tant d’énergie et de vigueur. Comme une grande sprinteuse des jeux olympiques, dans un dernier élan, elle parvint au bout d’un moment, à faire un saut vers moi, après m’avoir essoufflé. Elle me traîna par la culotte comme le ferait une foule en furie à l’encontre d’un voleur… Une fois à la maison, ma « madré », assise sur un tabouret, me fit coucher le long de ses jambes, m’ôtant le short en faisant entrer en moi son purgeoir. Elle vida son contenu pendant que je criais, pleurais comme un condamné à mort : »wou aaa wou aaaa ! » Mon infirmière me renversa, soulevant mes pieds et maintenant ma tête en direction du sol. Elle me secoua ensuite comme un objet cylindrique, puis me déposa au dessus du vase. On y entendit des bruits de kalachnikov. Quand ce fut fini et que je me levai, maman m’indiqua l’intérieur du récipient :

• «Regarde ce qui est sorti de ton ventre. Regarde ce ver-là… Il te rongeait à petit feu, tu vois ? Quand on te purge, c’est pour ton propre bien, tu as compris ? Prochainement tu auras affaire à moi si tu fuis !»

Les jours et les mois qui suivirent, j’allais régulièrement aux toilettes et je ne tombai pas malade. Le purgeoir de maman avait la magie de nous donner la santé… Seulement, nous ne l’appréciions pas parce qu’il causait des douleurs avec sa solution faite de piment rouge brûlant…

Bonne fête à toutes les mères d’Afrique et du monde

Louis-César BANCÉ