Il y a longtemps que la galère et moi formons un couple solide. À Nidrou où je vis, petit village de la région du Guémon, rien n’est facile avec la situation calamiteuse de la route et l’obscurité séculaire dans laquelle nous sommes plongés. Plusieurs fois, des gouvernements de l’État ivoirien ont tenté d’implanter des poteaux électriques dans notre bourg. Sans succès ! Selon certaines indiscrétions, ce sont les sorciers de chez nous qui empêchent l’avènement de la lumière, préférant la sédentarisation du noir afin de mieux sévir.
Titulaire d’un BEPC obtenu au collège LCB de Kouibly, je reçois récemment le soutien de ma grande sœur vivant dans l’Hexagone. Elle m’envoie un peu d’argent afin que je suive une formation pouvant me permettre de candidater au concours du Centre d’Animation et de Formation Pédagogique (CAFOP). Je veux devenir instituteur. Au moins, en devenant fonctionnaire, salarié, je pourrais me mettre définitivement à l’abri du besoin. Il n’y a pas de honte à le dire; je ne veux pas aller à l’enseignement par passion, par vocation, mais juste parce que j’ai besoin d’un salaire pour me prendre en charge. Ça ne fait pas de moi quelqu’un de médiocre. Loin s’en faut. J’en veux pour preuve ma réussite au concours du CAFOP sans avoir eu à payer 5 francs à un quelconque réseau mafieux tel que le font la majorité des candidats. J’ai pleuré de joie quand j’ai vu mon nom sur la liste des admis, dans mon centre de Daloa où j’ai composé, informant mon meilleur ami de Nidrou avec beaucoup de joie :
-Flèmanssou, mon ami, j’ai une bonne nouvelle pour toi, ma vie va changer. J’ai réussi au concours du CAFOP !
-Youpi ! Mon ami Sihè ! Je suis content pour toi ! Je veux t’offrir une boisson pour fêter ça. Allons-y au maquis…
Dans un maquis de Nidrou, Flèmanssou me fait boire trois bières. Comme il y a problème de monnaie entre le serveur et nous, mon ami me sollicite des jetons. Je lui remet quelques pièces d’argent…
Trois jours après, mon nom disparaît de la liste des admis du CAFOP. Étonnant ! Les heureux élus commencent leurs stages sans moi.😥 Ne sachant à quel saint me vouer, je consulte un occultiste de mon village. Ce dernier est formel lorsqu’il me révèle que c’est mon meilleur ami, Flèmanssou, qui s’est servi d’une pièce de 100 francs que je lui ai remis de main propre pour rayer mystiquement mon nom de la liste des admis du CAFOP…😭 Adanman, on peut faire ça ? J’ai pris la route de la maison de cet ami sorcier pour en découdre avec lui…
Louis-César BANCÉ