Williamsville. Dans les années 2000. Un membre de notre famille avait perdu son argent, et des disputes avaient éclaté à la maison à la suite de cela.
– Je jure que ce n’est pas moi ! disait chaque enfant tandis que maman nous dévisageait avec minutie à la recherche d’indice pouvant lui faire connaître le voleur.
Maman était très encline au christianisme. Mais sous le conseil d’une voisine qui lui indiqua qu’il y avait un féticheur derrière la route non loin de l’école primaire Jean-Porquet et que ce devin avait une technique mystique de dénonciation d’un larron, nous partîmes tous vers la bicoque de ce dernier. Alignés derrière la madré, il y avait mes frères Francis, Aristide, ma grande sœur, et moi…
Le mystique était un homme de 70 ans à peu près, le visage plein de scarifications. Il devait être Anango. Il était assis sur un banc à l’entrée de sa cabane quand nous arrivions. Notre madré s’entretint subtilement avec lui pour s’accorder sur les clauses de son travail. Nous nous tenions à petite distance en attente de notre passage au balai de la vérité, le curieux détecteur de mensonge africain. Soudain, maman revint vers nous, mais pas pour nous dire de passer à l’épreuve :
– Allez, les enfants, on rentre ! ordonna-t-elle.
Nous rebroussâmes chemin sans savoir pourquoi il ne fut plus question d’effectuer le test de vérité. Maman ne daigna pas éclairer notre lanterne non plus, et l’affaire du vol fut classée.
Aujourd’hui, à la faveur du buzz de Deversaille, je me suis souvenu de cet épisode d’il y a vingt ans, et j’ai téléphoné maman pour le lui rappeler. Elle s’en est souvenu. Je lui ai alors demandé pourquoi nous sommes partis de chez le mystique sans passer au détecteur de mensonge. Maman a ri, en me révélant :
« L’argent qu’il a demandé pour faire son travail-là, c’était »plus beaucoup » que l’argent qui a été volé. »
Louis-César BANCÉ