Quel chef d’État africain humble ! Résidant d’un quartier populaire où il s’est familiarisé avec une pléthore de co-résidents, le Premier citoyen du pays qu’il est devenu, n’a pas souhaité déménagé quand il a accédé à la magistrature suprême.

-Monsieur le Président, vous n’êtes plus l’étudiant d’il y a quarante ans, voyons ! a insisté son protocole. Nous savons que ce quartier vous rappelle vos années universitaires, vos galères de jeunesse ainsi que vos moments libertins, mais vous devez absolument vous établir à la résidence du chef de l’État, au sein du palais, et construite spécialement pour ce poste qui est aujourd’hui le vôtre ! Laissez ces quartiers populaires aux Opposants et veuillez vous installer à la résidence qui vous revient de droit.

La résidence régulière du chef de l’État, un endroit complètement isolé du reste de la ville, et assiégée de camps militaires. Pour les tenants du pouvoir, c’était l’emplacement idoine, idéal, pour une meilleure garantie de la sécurité physique du Premier citoyen du pays. Tous les Présidents antérieurs y ont séjourné, sauf Luc Cyriaque Bakôrôni, qui tenait à s’éterniser dans le ghetto qui l’a vu grandir, ghetto où il a allumé mille et une petites gos malgré son statut d’homme marié. Et, lui, Président, continuait à fréquenter les petits maquis de son quartier, mangeant de la viande braisée et buvant de la bière avec les riverains en leur donnant les raisons de sa sédentarisation :

-En restant avec vous, je suis dans le peuple ! J’aime humé votre réalité, m’imprégner de votre quotidien, pour être toujours en synergie avec vous afin de mieux répondre à vos attentes. Je vous aime tellement que je ne peux vous quitter…

-Mais monsieur, depuis que vous êtes devenu Président, il y a des barricades partout dans notre quartier ! a renchéri une riveraine qui était à sa deuxième bière. Lorsque nous voulons rejoindre notre propre demeure, que des contrôles au quotidien, comme si nous étions suspectés de terrorisme, dans notre propre cité ! Nous mettons parfois des heures pour parcourir quelques mètres, du carrefour du quartier à notre maison. C’est écœurant, monsieur le Président !

-Si on contrôle vos identités, c’est parce que je suis le Président ! Vous devriez vous sentir honorés de m’avoir avec vous. Serveur, donnez-lui deux casiers de bière LCB !

De deux bouteilles, la riveraine se retrouva avec trois bacs, souriant de sa bouche agomphe et bénissant le Président pour sa générosité légendaire. La même nuit, il eut une attaque, sans trop grand déferlement de tirs, et Luc Ciriaque Bakôrôni fut cueilli dans sa chambre par des putschistes méticuleux au millimètre près : en lançant l’assaut pour piocher le Président, ils ne voulaient pas commettre d’impair au sein d’une population à proximité avec la résidence privée du chef de l’État. En faisant une telle bévue, ils se seraient mis à dos la fameuse communauté internationale. Il fallait préserver l’intégrité physique des civils.

Encagés dans un camp militaire en même temps que son chef d’État-Major, Luc Ciriaque Bakôrôni, l’ex-Président de la République Démocratique Africaine, murmura à l’oreille de son ex-subordonné :

-Tu me harcelais pour que j’aille vivre au palais, un endroit où il n’y a même pas âme qui vive. Tu crois que si j’étais là-bas je serais actuellement en vie ? Ces bandits, sur la base que je suis isolé, m’auraient arrosé comme un chien ! Je te le dis, ce pays est un sale pays depuis des lustres ! Un pays qui détient la palme d’Or en coups d’État ! En venant au pouvoir, j’avais en tête, sans cesse de me demander à quel moment viendrait mon tour de  »ôte-toi que je m’y mette » ! Et ce tour est venu… Au moins il s’est fait sans grande effusion de sang. Tu sais pourquoi ? Justement parce que je vivais au sein de la population qui me servait en quelque sorte de bouclier humain !

-Prési !

-Oui mon ex-chef d’État-major ?

-T’es un sacré salaud intelligent, le makosso de la politique africaine !😮🤧

Louis-César BANCÉ