Je devais livrer un appareil à madame DAN, à son bureau où elle exerce en qualité de chef des impôts communal. Nous avions pris l’habitude de gérer nos marchés dans son burlingue. Mais cette après-midi où j’honorais notre rendez-vous, son aimable vieille secrétaire m’informa de l’absence de ma cliente, à qui je téléphonai aussitôt.

«- Oh excuse-moi, Louis, se désola-t-elle. Une réunion imprévue avec mon directeur général. Mais ne laisse surtout pas l’appareil à mon bureau parce que j’en ai besoin maintenant. Va m’attendre à mon bar. C’est situé à Angré, boulevard Latrille, et ça s’appelle « BAR DE DAN ». »

Aucune difficulté pour retrouver ce bar où à 15 heures je fus accueilli et installé par les seules deux jeunes filles présentes sur le lieu. L’une, assise derrière le comptoir, sirotait un verre tandis que l’autre, les pieds en ciseau dans un salon, lisait un livre. Assis sur mon fauteuil à proximité de la seconde en buvotant ce coca-cola glacé qu’elle m’avait servi, je regardais la jeune fille avec beaucoup d’admiration. Ce n’était guère ses belles jambes longeant sa mini-jupe qui m’impressionnaient. Ce n’était pas non plus ses seins fermes que j’entrevoyais par derrière son corsage transparent qui m’obnubilaient, ni ses hanches débordant sur son simili-cuir. Que nada. J’étais plutôt fasciné par LE LIVRE qu’elle tenait et le plaisir qu’elle semblait tirer d’en être autant plongée. Une jeune fille qui aime la lecture, tellement chou… Elle devrait être assez spéciale celle-là. C’était certain que le courant passerait entre nous avec l’amour livresque que nous avions en commun. Je ne restai pas longtemps dans ma solitude dans ce silencieux bar qui avait l’air d’une chapelle à cette heure où il n’officiait pas encore. Je me levai de mon siège et pris place sur celui de la belle lectrice.

– «Vraiment adorable la lecture, lui dis-je de ma voix romancière. Il n’y a rien de plus fabuleux que de voyager avec la plume aéronautique d’un auteur doué. Mon auteur préféré est Guy des cars. Je peux savoir ce que vous lisez ? Un roman certainement ? »
 
Elle retira les yeux de son bouquin et me regarda en un éclair avant de replonger dans son livre sans me répondre.

– «Ou bien est-ce un épistolaire ? Un essai ? insistai-je, convaincu qu’elle ouvrirait la bouche. »

Sans lever la tête, elle me sourit en me répondant finalement, faisant danser le bijou dans le piercing de sa lèvre inférieure :

«- Apparemment c’est une bibliothèque, ICI, monsieur ? »

Drôle de réponse qui me fit subitement lever la tête comme une girafe pour scruter les pages du livre qu’elle tenait. Et je n’y vis que des images que mon cerveau enregistra en une seconde comme le ferait CHUCK de la célèbre série télévisée : position du cheval renversé, de la levrette, position à l’envers, du sphinx, position de la charrette, de l’andromaque, la célèbre position du missionnaire… Sur ces deux pages, l’Iivoirien dirait qu’il y avait toutes les phases de « mougouli ».
  
Ma lectrice avait ainsi les yeux noyés dans un livre pornographique ! C’est elle qui m’attaqua cette fois en voyant que j’avais pris connaissance de son bouquin :

«- T’aimes quelle position ? Tu veux que j’te marplôsse ? me demanda-t-elle en tournant la langue autour de ses lèvres. »

Avant que je n’aie le temps de répondre, madame DAN dont je n’avais pas remarqué l’entrée, était arrêtée juste devant nous.

– «Excuse-moi Louis d’avoir mis tant de temps, me dit ma chère madame. Mais apparemment tu ne t’ennuyais quand même pas ? Car à peine es-tu arrivé au DAN qu’aussitôt tu as commencé à négocier avec mon adorable fille pour te la lui mettre, AU FOND DEDANS ?🤧»

Pendant ce temps, la sono distillait le tube de Shegal Mokonzi…

Louis-César BANCÉ