C’est sur l’alignement du rond point de Siporex. Je marche. Et soudain, elle passe devant moi, marchant vite  »concela ». Sans faire exprès, mes yeux se braquent sur son cra. Pas mal, les deux foutous dans sa minijupe verte. Admirez en vous-mêmes. Dindinman n’a pas lock. C’est le week-end. Peut-être que y aura un dabali dans l’air.
      
Moi aussi je marche vite, plus vite qu’elle, et la rattrape au bout de quelques secondes.
– Bonjour, tu sembles pressée hein, ma chérie. Tu vas où concela.
      
Elle me regarde de la tête au pied. C’est ma chaussure seulement qui est sale sinon moi même je ne suis pas mal.
– Je vais juste à côté-là, à la pharmacie de siporex, me dit-elle avec toujours le turbo à ses pas.

 Je gambade à son rythme. Je lui parle, lui dis qu’elle est belle, qu’elle me plaît. Elle sourit à mes compliments et réagit positivement à ma drague. C’est bon signe. Quand elle entre dans la pharmacie, sans m’en rendre compte, j’y suis aussi. Elle commande des médicaments au comptoir, et je me tiens éloigné. Très éloigné. Dès qu’elle est à la caisse, elle m’appelle :
– Chéri, tu viens s’il te plaît ?
    
Je m’approche d’elle en me demandant pourquoi elle m’interpelle en cet instant crucial. Quand je suis à son niveau, elle me fait le plus beau sourire en me montrant quatre boîtes de médicament :
– C’est mon père qui est malade, et il m’a envoyé acheté ceci. Après les totaux, on me dit que ça fait 33.500 francs. Tu pourrais régler la facture pour moi ? Je suis sûre que mon père sera très ravi de connaître enfin son beau fils…

 C’est ça on appelle un prétendant au pied du mur là non ? Devant la dizaine de pharmaciennes présentes, mon honneur est en jeu. Ma petite fierté gonfle et me ronge. Sans réfléchir, je sors mon portefeuille et y retire quatre billets froissés de dix mille francs ayant une odeur de poisson. Je mets l’argent près de l’ordinateur de la caissière. Je me sens puissant. High ! C’est fait. La note est payée. J’ai dignement représenté le syndicat des hommes. Lorsque je veux empocher la monnaie déposée par la caissière, j’entends les propos d’une agent en pharmacie qui me coupe dans mon élan :
– Haha coco, tu as bien commencé comme ça et puis tu veux gâter affaire-là. Les trucs comme ça là on prend pas monnaie. On la laisse à la petite go, c’est plus galant…

Je souris et laisse la fille à la jupe verte se saisir des 6.400 francs et de quelques bonbons. Elle épluche une friandise et la porte à ma bouche comme le prêtre le ferait à un fidèle lors de la prise de communion. Voyez-vous, elle a des tendances romantiques !
     
Nous sortons de la pharmacie, collés comme deux amants, tels des siamois. Au fond de moi pourtant, un malaise. L’euphorie de la scène de la caisse passée, je commence à être grignoté par des remords. Je suis si torturé par les regrets qu’au carrefour de Siporex, j’oublie non seulement de demander le nom de la jeune fille, mais aussi son numéro de téléphone. Elle non plus n’a pas eu le réflexe de me les laisser lorsqu’elle s’est engouffrée dans le gbaka pour s’en aller…

 Et dans tout ça, l’autre grand problème est que l’argent que j’ai utilisé pour payer les médicaments ne m’appartient pas. Ma mère m’a donné 40.000 francs pour que je lui achète des poissons avec les grossistes qui les ramènent du port. Maman vend de la soupe de carpe devant notre cour, au quartier, et c’est son fond de commerce que j’ai claqué en véritable idiot. J’ai l’impression que ma conscience avait disparu en présence de la fille à la minijupe verte. Est-ce qu’elle n’a pas médicament ? Parce que là, je ne comprends pas mon agissement. Mon cerveau avait dû aller se terrer dans ma culotte au moment où elle m’a demandé de passer à la caisse.

Actuellement je rôde à Siporex et je n’ai même pas 5 francs pour emprunter… Aidez-moi. Où trouver l’argent pour rembourser ma madré ? Comment retrouver la jeune fille à la minijupe jupe verte ? J’espère que cette publication sur les réseaux sociaux m’aidera à la revoir… Car au moins, en dépit des problèmes dans lesquels je me suis plongé, elle pourrait me réconforter un peu en me donnant un OUANO. 😢

Louis-César BANCÉ